LE PRINCE DU THÉÂTRE : Présentation de Richard Fontana
Richard Fontana est un comédien français né le premier juin 1951, à Saint-Pardoux-Isaac en Lot-et-Garonne, fils d’Antoine Fontana et d’Yvonne Zancanaro. Il suit très tôt un parcours théâtral rigoureux : arrivé à Paris, il fréquente les cours d’Alik Roussel vers le début des années 1970, et fait du café-théâtre avant d’entrer au Conservatoire national supérieur d’art dramatique (d'abord dans la classe de Louis Seigner, puis d'Antoine Vitez).
Il débute ainsi sur les scènes du Théâtre des Quartiers d’Ivry (Phèdre de Racine, Catherine d’après Aragon) et du Jeune Théâtre National (Arlequin dans La Double Inconstance de Marivaux, L’Éveil du printemps de Wedekind), et joue en 1974 dans Hernani de Victor Hugo, par Hossein, où il incarne Don Matias (son premier rôle officiel).
Sa formation comprend aussi des rôles marquants hors Comédie-Française : sous la direction d’Antoine Vitez, il participe en 1978-1979 à la tétralogie moliéresque (L’École des femmes, Dom Juan, Tartuffe, Le Misanthrope) aux festivals d’Avignon et d’Automne. Il remporte son premier grand succès d’interprétation en 1980-81 au Petit Odéon en jouant la pièce-monologue La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès, une performance qui lui vaut le Prix Gérard-Philipe de la Ville de Paris en 1981.
Carrière à la Comédie-Française
Engagé à la Comédie-Française, il y entre en décembre 1979 et en devient le le 472ᵉ sociétaire en 1983. Il y fait ses débuts dans Tartuffe de Molière (en tant que Valère) et joue ensuite différents rôles dans le répertoire classique, comme le Prince dans La Double Inconstance de Marivaux et Coelio dans Les Caprices de Marianne de Musset. Durant ses dernières années à la Comédie-Française, il atteint des rôles-titres : Polyeucte (Corneille), Néron (Racine), Sganarelle (Le Médecin malgré lui de Molière) ou encore Figaro (Le Mariage de Figaro de Beaumarchais).
De gauche à droite : Jean-Luc Boutté, Claude Matthieu, Jacques Toja, Richard Fontana et Francis Huster en 1979, alors que Fontana signe son contrat de pensionnaire.
Il participe aussi à des créations et reprises contemporaines : Hamlet de Shakespeare dans la mise en scène d’Antoine Vitez au Théâtre national de Chaillot (1983) – une version intégrale (5 heures) qui "fait événement" et révèle son talent tragique (Fontana est alors "un prince de Danemark fougueux, déchiré, sarcastique, suicidaire, irrésistible"). Il collabore avec les plus grands metteurs en scène français : Jorge Lavelli (La Vie est un songe d’après Calderón, où il crée le rôle de Sigismond, ainsi qu’Œdipe dans Greek de Berkoff), Klaus Michael Grüber (Bérénice de Racine où il joue Titus), Luca Ronconi (Le Marchand de Venise comme Shylock), Georges Lavaudant (Lorenzaccio comme Alexandre de Médicis), Antoine Vitez (Le Mariage de Figaro comme Figaro), Jacques Lassalle (La Fausse Suivante comme Lelio), etc. Son répertoire allie ainsi classicisme et drames modernes, où il se montre tout aussi à l’aise en comédie qu’en tragédie.
Cinéma et télévision
Bien qu'essentiellement présent au théâtre, Richard Fontana a aussi joué au cinéma et à la télévision. On le voit notamment dans le film Divine (1975, de Dominique Delouche), où il interprète Olivier. À la télévision, il apparaît de 1972 à 1982 dans plusieurs séries et téléfilms français : Les Boussardel (1972), 1788 (1978), La Peau de chagrin (1980, d’après Balzac), Noires sont les galaxies (1981) ou La Sorcière (1982), entre autres.
Richard Fontana en Horace Bianchon, dans La Peau de chagrin, 1980.
Style de jeu et réputation
Fontana s’est rapidement distingué par un jeu physique, énergique et intense. Selon un critique du Monde, "Richard Fontana était un acrobate, un sportif, un acteur physique, à la fois extériorisé et intense, inattendu". Cette exubérance vient du fait qu’il infuse ses rôles d’une grande vitalité : en 1984 Grüber exploite ainsi son timbre pour faire évoluer la voix de son Titus de Bérénice (d’abord "ténor sonore", puis "blanche, sans corps"). Un autre journal souligne qu’il excelle également dans les registres plus subtils : dans Le Songe d’une nuit d’été, il joue Puck avec légèreté et agilité, tandis que dans Polyeucte de Corneille il impose une présence "noble" et tourmentée. En somme, sa réputation auprès des pairs est celle d’un comédien complet, capable de passer du comique au tragique avec brio.
Richard Fontana a reçu le Prix Gérard-Philipe de la Ville de Paris en 1981 (Grand Prix de la Ville) pour saluer sa performance scénique précoce. La même année, le directeur général de la Comédie-Française propose sa nomination au statut de sociétaire, effective en 1983. Ces honneurs attestent de son impact rapide sur la vie théâtrale. Son apport se mesure aussi aux rôles qu’il a créés ou popularisés : par exemple, il fut l’un des premiers acteurs français à porter à la scène contemporaine La Nuit juste avant les forêts de Koltès (voix unique, 1980), ainsi qu’à introduire Greek de Steven Berkoff (Œdipe loubard) sur une scène parisienne. Après son décès, la Comédie-Française a même interrompu la représentation du Bal masqué de Lermontov par respect, attestant de l’estime dont il jouissait. Il reste dans les mémoires comme une vedette de la "Maison de Molière", qui a enrichi le théâtre français de ses incarnations passionnées.
Richard Fontana décède prématurément la nuit du 25 au 26 juin 1992 à l’hôpital Rothschild, dans le douzième arrondissement de Paris, "après une longue maladie" (probablement des suites du SIDA). Il était âgé de 41 ans. Son décès soudain provoque l’émotion du monde du théâtre, qui le surnommait "le prince du théâtre", avant de l'oublier (par le grand public en tout cas), lui qui l’avait pourtant tant acclamé. Aucun détail familial particulier n’est rapporté dans la presse : sa vie semble entièrement dédiée à la scène.
Sources :
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